Chronique de Besiktas - Tribu

On se dit, ce n'est qu'un match de foot.

Ce n'est pas qu'un match de foot. C'est une messe, un grand rassemblement à la gloire du Dieu foot. Si les pontes du Larousse devait choisir un peuple pour illustrer le mot "Ferveur" dans le dictionnaire, ils enverraient des troupes d'anthropologues venir étudier la tribu de Besiktas.

Ce n'est pas qu'un match de foot. L'équipe de Besiktas, battue au match aller à Liverpool, accueille les rouges chez elle. Un stade de 70 000 personnes, les télés crachent les chants des supporters dans la rue principale.

Besiktas égalise. Le peuple de la rue exulte. Un but comme la couleur du maillot. Blanc, limpide, aérien. Une frappe enroulée qui nargue le gardien avant de replonger dans le filet. Une frappe de gaucher.

Les deux équipes sont à égalité de point. Tir au but. Une tension affreuse. Les gens prient. Les gens crient. Les gens sautent. On regarde les télés qui ne sont pas en retard de quelques secondes. Les cris à droite, le but est marqué. Écho, on le voit juste après sur notre écran.

Un dernier tir. Tous, ils ont tous marqué. Le dernier tir de Liverpool. Au-dessus.

La libération. Le feu qui brûle, la flamme qui s'élève grâce aux voix de la joie. Toute la rue, d'un seul corps qui chante les rengaines du club. Un corps qui bouge à l'unisson. Des sauts, on s'embrassent, du partage pur. La liesse. Des fumigènes qui emplissent l'air de brume. De la sueur sur les têtes, de la ferveur qui suinte. Le quartier comme un seul homme qui se rend au totem, la statue de l'aigle. Un homme, porté aux nues, dirige le corps de la foule. Nous suivons tous ces gestes. Il est grand gourou, maitre de nos corps.

Besiktas, la statue de l'aigle noir, dernier idole païen.

La tribu a chanté jusqu'à ne plus avoir de souffle.

Retour à l'accueil